A 82 ans, Belabbes Asmane Aicha, originaire de Ténès (Chlef) et qui a passé toute sa vie à travailler la terre, a obtenu, avec mention « très bien » malgré son illettrisme, un diplôme de la formation professionnelle, prouvant aux plus jeunes qu’à force de volonté on peut braver toutes les difficultés et devenir un modèle de réussite.
Hadja Aicha travaille et cultive la terre dans sa ferme qu’elle appelle « Ali Djaber », un legs « cher à son cœur » reçu de son défunt mari moudjahid, décédé il y a 22 ans. Chaque jour, été comme hiver, la vieille dame va travailler sa terre, située dans la banlieue de Ténès à quelques km de sa demeure, parcourant à pieds le chemin la séparant de sa ferme, entrainée par son amour pour son travail et sa terre ainsi que sa fidélité envers son défunt mari.
« L’âge ne l’a pas empêché d’acquérir une formation pour développer ses connaissances et moderniser ses méthodes de travail » (Hadja Aicha).
Dés son arrivée, cette passionnée endosse ses vêtements de travail, avant de faire sa tournée d’inspection quotidienne. « Je dois veiller à enlever les mauvaises herbes, à l’arrosage des cultures », explique-t-elle à l’APS, disant répéter chaque jour, machinalement et scrupuleusement, les mêmes gestes.
« J’aime cette terre. Je suis là pour veiller sur le legs de mon défunt mari », ajoute-t-elle, relevant : « J’ai eu 10 enfants. Chacun d’eux à choisi son propre chemin, à l’exception d’un seul qui se charge avec moi des travaux de la ferme. Ce dernier me demande souvent de rester à la maison. Ce n’est pas facile pour moi d’abandonner le travail de la terre car cette activité me fait beaucoup de bien », confie-t-elle.
En plus de ce lien indélébile avec la terre, l’hadja Aicha a toujours été animée d’une énergie pour aller de l’avant sur le chemin de la vie. Cette belle qualité l’a incitée à s’interroger sur la possibilité de rejoindre le Centre de formation professionnelle et d’apprentissage (CFPA) de Ténés, pour parfaire ses connaissances, malgré son âge avancé et son illettrisme.
Ce fut chose faite, puisque les responsables du dit CFPA ont salué cette « ambition », en approuvant l’inscription de Belabbes Asmane Aicha dans l’une des spécialités agricoles proposées par ce centre, qui s’est ainsi adjugé le privilège d’avoir parmi ses rangs, « la stagiaire la plus âgée de la wilaya », si ce n’est de toute la région.
Une fois admise à ce centre, la dame se montra d’une assiduité remarquable au sein de son groupe. Ce qui lui valu d’attirer l’attention de son enseignante Noura Younsi, qui ne tarit pas d’éloges, notamment sur sa participation en classe.
Il restait néanmoins à savoir, comment cette vieille dame « analphabète » allait faire pour recopier ses cours ?. La question a été vite élucidée par Mme Younsi, qui assure que l’hadja Aicha est dotée d’une « mémoire phénoménale ».
« Elle peut facilement retenir toutes les informations importantes reçues en classe. Et une fois chez elle, elle les dicte à sa petite fille qui les met noir sur blanc, avant de revenir le lendemain me montrer le texte écrit pour que je puisse l’évaluer », explique l’enseignante.
« J’ai été littéralement subjuguée par sa force de volonté et sa mémoire infaillible », affirme-t-elle, ajoutant que pour les examens, l’hadja Aicha a bénéficié d’une « dispense » de la part des responsables du centre, afin de passer tous ses examens « oralement ». Ses résultats ont été plus qu’honorables, puisqu’elle s’est distinguée parmi ses camarades stagiaires avec une note de prés de 16/20 et une mention « très bien ».
L’hadja Belabbes Asmane Aicha fait désormais partie des lauréats de la formation professionnelle, honorés par le wali de Chlef, Abdallah Benmansour.
Après avoir fait part de sa volonté de bénéficier, la rentrée prochaine, d’une formation en apiculture, la dame n’a pas raté l’occasion de sa rencontre avec le wali, pour lui exprimer son souhait de bénéficier d’un « soutien pour élargir son activité agricole ». Une doléance que le chef de l’exécutif s’est engagé à satisfaire.
Pour le directeur de la Formation et de l’Enseignement professionnels de la wilaya, Hakim Azerrouk Zerraimi, l’hadja Aicha est un « modèle à suivre par les jeunes désireux d’investir le domaine agricole ».
« L’âge ne l’a pas empêché d’acquérir une formation pour développer ses connaissances et moderniser ses méthodes de travail », a-t-il relevé admiratif, estimant que son expérience de vie devrait constituer une source d’inspiration, tant pour les jeunes que pour les femmes au foyer.