Comme chaque année la rentrée scolaire remet aux devants de la scène les mêmes questions celles relatives à la surcharge des classes et à la disponibilité du livre scolaire. Quelles sont les mesures prises pour remédier à ces différents problèmes ?
Le secteur de l’Éducation nationale qui compte plus de 9 millions d’élèves, près de 27.000 établissements scolaires sur un territoire de 2,5 millions km2 et plus de 700.000 fonctionnaires n’est rendu visible que par ces aspects, que vous venez d’évoquer. Le secteur ne se réduit pas aux problèmes de surcharge ou de disponibilité de manuels. S’il y a un bilan a faire de la rentrée 2017/2018, la première constatation est que globalement elle s’est effectuée dans de bonnes conditions.
Chaque année des améliorations significatives sont apportées notamment, en direction des problèmes que vous soulevez et qui se posent avec moins d’acuité que les années précédentes. Justement nous avons mis en place un plan de communication très riche en ce début d’année scolaire, afin d’apporter un éclairage sur la dynamique engagée depuis 3 ans sur plusieurs chantiers, et rendre, ainsi, perceptibles les efforts consentis par l’ensemble des fonctionnaires du secteur, pour être au rendez-vous, celui d’être au service de l’élève. Maintenant, et pour répondre à votre question je dirais que la surcharge ne concerne que certaines poches, principalement dans les régions qui ont connu un large mouvement de population suite aux opérations de relogement dans le cadre de l’éradication de l’habitat précaire et l’amélioration des conditions de vie des citoyens, ainsi que l’évolution du taux de natalité. Ce qu’il y a lieu de savoir, c’est que sur près de 300.000 divisions pédagogiques, 5,73 % seulement sont touchées par la surcharge.
Dans le cycle primaire, cycle le plus concerne par cet aspect, seules 5,59% des divisions pédagogiques ont des classes surchargées. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’il faudrait prendre la juste mesure des choses. Les professionnels du secteur au niveau local savent gérer ce genre de situation en ayant notamment recours à la réorganisation de divisions pédagogiques, et nous assurons un accompagnement des enseignants par la formation sur des aspects comme la gestion de classe, la pédagogie différenciée. Néanmoins, la poursuite du programme de constructions scolaires contribue, également, à la résolution du problème de surcharge et aller vers un de nos objectifs, celui de la baisse du nombre d’élèves par classe.
L’élève est véritablement au coeur de notre action et de nos préoccupations. Quant au manuel scolaire, 156 titres édités pour les 3 cycles d’enseignement, nous affirmons qu’il est disponible au niveau des établissements scolaires, des 53 Centres Régionaux de Diffusion des Documents Pédagogiques (points de vente). Cette année, afin de prévenir la tension sur le manuel, l’ONPS a élargi le réseau des librairies agréées pour la vente de manuels scolaires pour atteindre 800 librairies et a organise un salon du livre scolaire du 05 au 12 septembre, sur tout le territoire national.
Pour rappel, la rentrée scolaire 2017/2018 connait l’introduction de nouveaux manuels scolaires. 30 titres au total, destinés aux élèves de 3éme et 4éme années primaires et à la 2éme et 3éme années moyennes, après que la commission nationale des programmes ait actualisé le curriculum, conformément a la loi d’orientation de 2008. Nous avons, cette année, ouvert l’édition des manuels scolaires aux éditeurs privés selon un cahier des charges.
1 L’objectif primordial de l’introduction de ces nouveaux manuels dans le cursus scolaire est le développement des compétences, selon une vision ou l’ensemble des matières se complètent. Cette démarche de mise en cohérence vise également à établir un lien entre les étapes d’enseignement sans rupture entre les années tout en se concentrant sur les acquis et les compétences à atteindre. 70 millions de manuels, entre << anciens >> et << nouveaux >>, totalisant 186 titres, ont été distribués. 30 millions de manuels << anciens » ont été distribués dés avril aux établissements scolaires. Quant aux manuels nouveaux (30 titres), 40 millions ont été produits et mis à la disposition des apprenants. Et ce que peu de personnes savent c’est que tous les manuels sont transcrits en braille par l’ONPS.
A ce propos, quels sont les budgets réservés à Ia réalisation de nouvelles structures scolaires et au recrutement de personnels aussi bien pédagogiques qu’administratifs et assimilés ? Le contexte de crise risque-t-il d’affecter ces budgets dans l’avenir proche ?
Le secteur de l’éducation nationale est investi de la mission de service public.
Il est tenu d’assurer la continuité des enseignements aux apprenants, avec tout ce que cela suppose comme encadrement aussi bien pédagogique qu’administratif, outre un réseau d’établissements scolaires qui doit accompagner le flux sans cesse croissant des élèves et que nous devons étendre et maintenir en bon état physique par un entretien et une maintenance réguliers.
Cela étant, vous conviendrez que l’éducation nationale, axe prioritaire de l’Etat algérien, ne saurait souffrir du manque de financement. Les budgets nécessaires lui seront alloués pour accomplir sa noble mission.
Chaque année, des rumeurs font état de la hausse des prix du livre scolaire. Qu’en est-il en réalité ? Quel est Ie coût de fabrication du livre scolaire pour les 3 paliers ?
Quel a été l’apport de l’ouverture du secteur au privé ?
ll n’y a pas eu augmentation des prix malgré le coût des entrants. Je peux comprendre qu’il y ait ce genre de rumeurs car considérant l’augmentation du prix du papier, de la TVA et l’amélioration de la qualité du produit final, tout cela impliquerait, en toute logique, une augmentation du prix mais, cela est sans compter le caractère social de l’Etat algérien. Je vais même vous surprendre en disant qu’il y a eu même une diminution des prix des manuels par lot/ par palier. L’ONPS est un établissement investi de la mission de service public.
Ne peut-on pas conclure que dans l’état actuel des choses la spéculation commence à déstabiliser Ie marché du livre ? L’ouverture du secteur n’a-t-elle pas permis à certains éditeurs privés d’influencer le marché ?
Nous veillons au respect des prix fixés et l’objectif de l’ouverture au privé est aussi de développer des offres de qualité. Le secteur de l’édition est en train de gagner en professionnalisme. La distribution du manuel relève de la responsabilité de l’ONPS. Des inspecteurs de l’ONPS effectuent des visites d’inspection au niveau des librairies agréées. Notre responsabilité quant à la disponibilité et à la distribution du livre scolaire, en tant qu’outil principal et indispensable dans I ‘enseignement, demeure entière. Je peux même vous dire que, cette année, l’ONPS a retiré l’agrément à 2 Iibrairies qui n’ont pas respecté le prix de vente des manuels.
Justement et à propos du secteur privé, quel est le statut des établissements d’enseignement privés ? Sont-ils complémentaires du secteur public ? La qualité de I ‘enseignement qui y est dispensé répond-elle à un minimum d’exigence au regard des résultats des examens nationaux ?
L’ouverture des établissements privés d’éducation et d’enseignement est subordonnée à un agrément accorde par le MEN, conformément à la loi et selon un cahier des charges, des procédures et des conditions fixes par des textes règlementaires. Les établissements prives d’éducation et d’enseignement sont tenus d’appliquer les programmes d’enseignement officiels arrêtés par le Ministère. Toute autre activité éducative ou pédagogique que ces établissements se proposent de dispenser en sus de celles prévues par les programmes officiels, est soumise à l’autorisation préalable du ministère et aux dispositions de la Ioi d’orientation. Le directeur ainsi que les personnels d’enseignement et d’éducation exerçant dans les établissements privés d’éducation et d’enseignement doivent répondre au moins aux mêmes exigences de recrutement que leurs homologues exerçant dans les établissements publics d’éducation et d’enseignement. La scolarité des élèves des établissements prives est sanctionnée par les examens organises par le secteur public, au même titre et dans les mêmes conditions que celles des élèves scolarises dans les établissements publics d’éducation et d’enseignement. Le contrôle pédagogique et administratif est exerce sur les établissements prives, de la même manière qu’il l’est sur les établissements publics. Aujourd’hui, la place occupée par les établissements prives est très faible (10/0, du nombre total des établissements). L’éducation reste un service public, quelle que soit la nature juridique de l’établissement qui l’assure.
Au final et en prenant en compte les différentes subventions quelle peut-être l’estimation du cout de formation d’un élève jusqu’au baccalauréat ?
Plusieurs ministères participent au fonctionnement de l’éducation à travers, le transport scolaire, la sante scolaire, les cantines scolaires, la sécurisation des examens___ Nous ne pouvons, de manière précise, vous donner que le co0t partiel de formation d’un élève. ll reste que le budget, consacre par l’Etat, au secteur de l’éducation est l’un des plus importants dans le budget de la Nation.
L’échec scolaire est en passe de devenir problématique. Selon les données du CNES, 1,5 millions d’élèves redoublent et 500.000 finissent par quitter l’école. Quel est le manque à gagner économiquement parlant ?
Avant de répondre à votre question, permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour prendre la mesure des progrès considérables réalisés en matière d’éducation :
– Les effectifs globaux des élèves ont été multiplies par 10 depuis l’indépendance, passant d’un peu plus de 8oo.ooo élèves en 1962 a plus de 9 millions d’élèves en 2017.
– L’évolution du taux de scolarisation de la tranche d’âge des six ans a atteint plus de 98% alors qu’il n’était que de 43,42% en 1966 ainsi que celui de la tranche d’âge des 6-15 ans qui est passé de 45,36% en 1966 à plus de 96%. Ce sont là autant d’indices révélateurs des résultats obtenus en matière de scolarisation. Néanmoins, des insuffisances demeurent à l’exemple de la déperdition scolaire qui est source de préoccupation pour nous.
D’ailleurs, cette question fait régulièrement l’objet d’étude et d’analyse au niveau du MEN. Pour les enfants qui ont moins de 16 ans, leur réintégration se fait sans aucune condition dés lors qu’ils en émettent le souhait. << L’enseignement est obligatoire pour toutes les filles et tous les garçons de 6 a 16 ans révolus. La durée de la scolarité obligatoire peut être prolongée de 2 années, en tant que de besoin, en faveur d’élèves handicapés. L’Etat veille, en collaboration avec les parents, à l’application de ces dispositions. Les manquements des parents ou des tuteurs légaux les exposent à une amende allant de 5000 DA à 50.000 DA »_ (Art. 12 Loi d’orientation).
Pour ceux qui ont plus de 16 ans, c’est-a-dire plus que l’âge de scolarité obligatoire, il y’a l’Office National d’Enseignement et de Formation à distance qui attire de plus en plus d’élèves qui sont séduits par ce mode d’apprentissage. ll y a, également, pour les autres, Ia formation professionnelle. Actuellement, des formations sont accessibles avec le niveau de 4éme AM. C’est justement le choix de ces projets personnels qui est primordial pour nos enfants, d’où l’importance de la guidance scolaire qui est un acte éducatif visant à aider chaque élève, tout au long de sa scolarité, à préparer son orientation en fonction de ses aptitudes, de ses aspirations et de ses prédispositions. Cependant, pour endiguer ce problème d’abandon, nous privilégions, avant tout, la formation des enseignants et des inspecteurs notamment du cycle obligatoire car la prise en charge pédagogique est l’une des solutions en direction des enfants qui décrochent, en manque de motivation. ll faudrait accompagner l’enseignant afin qu’il puisse trouver une solution pédagogique à ce type de situation, le former pour qu’il soit en mesure de motiver les élèves.
En sus, il faudrait examiner de plus près le système d’évaluation; la nature des épreuves aux examens nationaux ; le système d’orientation en valorisant le travail des COSP. Développer des activités culturelles, sportives et artistiques à l’école pour en faire un espace de vie peut aussi favoriser l’épanouissement harmonieux et équilibre de la personnalité des élèves.
Par ailleurs, les parents doivent être plus attentifs, plus à l’écoute de leurs enfants notamment en période d’adolescence. ll ne faut pas oublier que l’Etat soutient la scolarité des élèves à travers : les cantines scolaires, les demi-pensions, les internats, la prime de 3OOODA, le transport scolaire, la gratuite du manuel, les trousseaux scolaires gratuits…qui sont autant d’aides aux parents qui font face à des difficultés financières.
D’un autre coté, il est clair que l’un des problèmes majeurs du système éducatif algérien demeure le fort taux de redoublement des élèves notamment au moyen qui génère un processus de décrochage et alimente le phénomène de déperdition scolaire. Pour pallier à ce problème, le MEN a pris plusieurs mesures dont principalement, la remédiation pédagogique qui entre dans le cadre du processus d’apprentissage et qui est destinée aux élèves qui ont des difficultés dans les matières dites principales à savoir l’arabe, les maths et le français et ce, notamment dans le cycle primaire. Des portfolios au profit des élèves et des fiches pour les enseignants ont été élaborés à la lumière des résultats d’analyse des erreurs récurrentes commises aux examens nationaux ; la formation des enseignants pour une meilleure prise en charge des difficultés scolaires en mettant l’accent sur les matières qui ont un impact direct sur les résultats scolaires.
A cela s’ajoutent, l’optimisation de l’utilisation des infrastructures et des ressources éducatives en organisant, pendant les heures creuses ou après les heures de cours, des études surveillées, des séances de soutien et d’aide méthodologique aux élèves en difficulté scolaire, ainsi que des activités parascolaires; l’organisation, dans tous les établissements, de cours de soutien gratuits au profit des élèves des classes d’examens; la généralisation progressive du corps des conseillers d’orientation et de guidance scolaire dans les collèges d’enseignement moyen ; le suivi psychologique des élèves par les psychologues des UDS ; les stratégies de prise en charge des élèves en difficulté doivent s’intégrer dans le projet d’établissement pour adapter les solutions pédagogiques et éducatives à la réalité singulière de l’établissement scolaire. En matière de déperdition, il y’a lieu de relativiser la situation car, au-delà des élèvesqui suivent leur scolarité dans les établissements scolaires du secteur public, il y’a ceux qui suivent leur scolarité dans les écoles privées ou suivent un enseignement à distance.
Vous avez récemment déclaré que I ‘année 2017-2018 sera celle du parachèvement de la réforme. Quels sont les objectifs à terme de ces réformes ? Quels en sont les couts ? Qu’en est-il de la réforme du Bac ?
Ce parachèvement concerne les manuels scolaires dont l’édition conformément aux programmes actualisés et mis en conformité avec la loi d’orientation, s’achèvera en 2018-2019. Mais, la réforme est un processus continu car toute mesure introduite, après un certain temps de mise en oeuvre sur le terrain, doit etre évaluée et au besoin réajustée. L’objectif des mesures de reforme introduites est la qualité. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans des aspects quantitatifs mais qualitatifs. Apres un long processus de concertation avec les professionnels et les partenaires, le dossier de la réorganisation de l’examen du Bac se trouve actuellement au niveau des services compétents.
Dans l’objectif de réduire la déperdition scolaire, ne voyez-vous pas l’utilité d’une réflexion sur l’intégration de filières professionnelles dans le système d’éducation nationale classique. Des filières indépendantes du système d’apprentissage via le secteur de la formation professionnelle et qui aboutirait à la création d’un bac professionnel ?
La nouvelle organisation du cursus d’enseignement professionnel a fait l’objet d’un conseil interministériel fin mars 2017.Cette réorganisation s’insère dans le cadre des instructions et orientations des plus hautes autorités du pays. Le président, de la République a souvent rappelé que Ie secteur de la formation et de l’enseignement professionnels doit développer des approches et des solutions nouvelles pour participer à la mise en place d’offre de formation permettant l’employabilite ; comme il doit diversifier les formations et permettre une flexibilité plus accrue des cursus de formation en vue de répondre plus étroitement aux besoins de l’économie.
Dans ce cadre, le ministère de la formation et de l’enseignement professionnels a mis en place un nouveau diplôme de niveau Vl.
La réorganisation proposée a pour objectif de clarifier les objectifs de l’enseignement professionnel et de le rendre plus attractif pour les élèves en fin de cycle moyen, admis au secondaire. L’enseignement professionnel acquiert une meilleure visibilité qui, certainement, participera à lever les réticences de nos élèves à aller vers l’enseignement professionnel mais, également vers la formation professionnelle. Des efforts sont fournis, par le ministère de l’Education nationale, en matière d’orientation et de guidance dans la 1ere année moyenne, à cet effet.