La cooptation, ou la désignation, sont souvent les deux critères qui déterminent la nomination d’un recteur .Qu’est-ce qu’un recteur dans l’université algérienne? quels sont ses prérogatives supposées et réelles?
Le recteur est «le patron» réel de l’université en ce qu’il est l’ordonnateur premier, et peut, dans de larges mesures, gérer l’université comme bon lui semble. Il détient son autorité de la tutelle, et donc des lois qui régissent cette dernière. En tant que patron, il ordonne et signe tous les documents relatifs aux recettes et dépenses de l’établissement, au règlement des salaires du personnel de l’université : enseignants, employés et agents, tous confondus, de même qu’il dispose du pouvoir en ce qui concerne l’avancement des carrières en fonction des mérites ou de l’ancienneté.
En tant que tel, il détient le pouvoir de sanctionner ceux qui commettraient de graves entorses aux lois et aux règlements en vigueur. Les plus zélés des recteurs, ou les plus imbus de leur autorité, pourraient, en l’absence même d’infractions ou de fautes graves, entraîner devant les tribunaux enseignants et travailleurs pour des motifs anodins. Les plus intelligents d’entre eux évitent cependant cette option et lui préfèrent le dialogue qui n’exclut point la fermeté…
Sur quelles bases est désigné un recteur? quels critères véritables?
La cooptation, ou la désignation, sont souvent les deux critères qui déterminent la nomination d’un recteur à la tête d’un établissement universitaire. Ces deux critères obéissent eux-mêmes à plusieurs variables : soit que le recteur promu à cette fonction appartient à «la famille idéologique» de ceux qui l’ont désigné, soit qu’il a été «imposé» ou vivement recommandé par une personnalité «influente» au sein du sérail politique, soit encore il s’est signalé par ses compétences particulières…Il est, en effet, des recteurs qui possèdent des talents de gestionnaires et dont ni le gouvernement ni le ministre ne peuvent se passer. Ceux-là, -mais ils sont peu nombreux, il est vrai- ne doivent ce poste qu’à leurs propres compétences avérées et point à la cooptation…
Recteur est-il un poste académique, administratif ou politique?
Parfois, le recteur est choisi en fonction de ces trois éléments, mais en règle général, il est retenu surtout en fonction de son aptitude à obéir «aux injonctions» du grand patron.
Théoriquement, ce poste est politique et doit échoir à une personnalité «politisée», mais en pratique, la plupart des recteurs sont «apolitiques», c’est-à-dire dépourvus de culture politique et pour compenser cette lacune regrettable, ils se targuent d’être de vrais «scientifiques», purs et durs, en ce qu’ils manipulent des grandeurs mathématiques, des chiffres et des équations hyper compliqués; qui leur conféreraient rigueur et «rationalité» par rapport à leurs pairs des sciences sociales et humaines, qui seraient moins «rationnels» qu’eux ! Il semble que pour ne pas avoir affaire à une université contestataire, le régime algérien ait opté depuis l’indépendance en faveur de gestionnaires «scientifiques» (physiciens, mathématiciens…) à la tête des universités, plutôt qu’ en faveur des «littéraires», dont l’unique fonction serait de «philosopher»!!!
Pourquoi certains recteurs occupent leurs postes durant plus d’une décennie?
Oui, certains battent tous les records en matière de longévité à la tête de l’université. L’exemple le plus frappant est celui de l’ex-recteur de Biskra, qui aura passé sans discontinuité près de treize années à la tête de l’établissement de cette ville, où il s’était créé de solides réseaux d’amitié, d’entraide, ainsi que de vrais protégés, parmi lesquels figure le doyen des sciences sociales et humaines, qui trône encore depuis douze ou treize ans à la tête de cette faculté où il fait la pluie et le beau temps…N’était son élection à la députation dans sa circonscription de Souk Ahras sous l’étiquette FLN, cet ex-recteur serait encore recteur de l’université de Biskra et pourrait même se faire reconduire treize années de plus à la tête de l’université…
Quels sont sur le terrain, les rapports de ces recteurs avec la population universitaire?
Le plus souvent un rapport de distanciation et d’autoritarisme plus que d’autorité. Le dialogue est limité au strict minimum. Leurs réflexes autoritaires proviennent le plus souvent de leur déficit cruel, pour ne pas dire tragique, en matière de communication. Peu en effet savent articuler de manière correcte deux ou trois phrases sans bafouer, et c’est ce handicap lamentable qui poussent certains d’entre eux à régler les différends avec certains de leurs administrés par le recours aux plaintes en justice.
L’unique arme de défense dont disposent certains recteurs pusillanimes et démunis de capacité de réflexion et de gestion intelligente des conflits internes à l’établissement réside donc dans le recours à la justice….La plainte pour diffamation est l’arme par excellence des faibles et des lâches, et parmi ces recteurs, il en est qui le sont bel et bien. Mais, d’autre part, il serait vraiment injuste, faux et contraire à la raison, de mettre tous les recteurs dans le même «panier», car il en est qui se montrent d’une conduite irréprochable tant sur le plan de la gestion humaine que sur celui de la gestion administrative….
Combien touche un recteur mensuellement?
-Si mes informations sont justes, il perçoit tout juste le salaire d’un professeur, lequel varie mensuellement entre 200 000 et 300 000 dinars…Tout dépend de l’ancienneté…En plus de son salaire, il dispose d’une indemnité …Le seul avantage qu’il a une fois à la retraite, c’est de la conserver complètement, à cent pour cent…