Le poids de la religion dans le système éducatif national et l’instrumentalisation de l’islam par le régime algérien depuis l’indépendance font de la question de l’école «l’un des débats refoulés», selon le conférencier. Pour le fondateur du Cercle des lumières pour la pensée libre, «tous les fondements de l’école sont à revoir et pas uniquement les cours d’éducation islamique».
Selon lui, «l’idéal, pour l’école algérienne, c’est d’introduire la religion comparée pour que toutes les religions soient enseignées. Car cela permettra à l’enfant de s’ouvrir sur le monde et sur toutes les religions». Toutefois, le conférencier reste convaincu que «pour empêcher l’instrumentalisation de la religion par le politique et par le religieux, l’alternative est la laïcité, car celle-ci enseigne le respect de toutes les religions et la tolérance». Répondant à une question sur les réformes entamées par la ministre de l’Education, Djabelkhir pense que «Mme Benghabrit a la compétence, les outils, le savoir, mais je crois que ses mains sont ligotées».
Analysant l’actuel manuel algérien des sciences islamiques de la 3e année secondaire, il constate une lettre de Ben Badis tronquée d’un passage, avant d’accuser les concepteurs de «menteurs». «Cette lettre a été amputée d’un passage compromettant pour son auteur, où il encense le colonialisme. Le ministère de l’Education ment. Il enseigne le mensonge en introduisant des textes falsifiés aux élèves», regrette-t-il. A titre comparatif, le conférencier cite le modèle tunisien, qui, durant les années 1960 et 1970, le manuel de la filière littéraire de l’enseignement secondaire dans le système éducatif, «comptait 16 textes sur la raison et la critique, 9 autres sur les arts plastiques, 15 sur le cinéma, la danse et la musique et 10 textes sur le patrimoine populaire».
En survolant les différentes étapes de l’histoire de l’Algérie à l’époque de Chadli, l’orateur a démontré que le contenu et les objectifs assignés à l’école n’ont pas changé depuis l’ère des oulémas sur le plan idéologique.
Après l’indépendance, l’ère Boumediene a constitué «le prolongement des projets des écoles réformistes». Alors, «le commentaire du Coran prenait comme référence le théoricien des mouvements takfiriste, djihadiste et terroriste, Sayyid Qutb», en plus de l’introduction «des textes qui enseignent le châtiment corporel contre les infidèles, le rejet de l’autre et d’autres qui encouragent l’esclavage et la supériorité de l’homme». Le système éducatif sous le règne de Chadli Benjedid n’a pas rompu avec son prédécesseur, puisque c’est l’époque de Chadli qui a «connu l’ouverture de l’université Emir Abdelkader des sciences islamiques gérée par El Qaradaoui et Chikh El Ghazali».
Pour expliquer le rôle et l’arrière- pensée de la création des écoles réformistes des oulémas entre 1920-1930, Saïd Djabelkhir estime : «Il est connu que les oulémas soutenaient une Algérie française, tout en restant conservatrice de sa spécificité linguistique et religieuse sous le drapeau français.»