Aïssa et Benghabrit: un duo au front
Ils mènent une lutte implacable contre l’idéologie extrémiste
Les ministres des Affaires religieuses et de l’Education nationale sont en lutte contre les idéologies nocives qui veulent dénaturer la mosquée et l’école de la République pour les détourner de leur mission.
Mohamed Aïssa a une nouvelle fois frappé sur la table pour avertir les extrémistes qui menacent la sécurité des imams officiellement chargés de conduire les prières. «Le gouvernement défend l’imam avec l’ensemble de ses institutions», a-t-il clairement affirmé lors d’une réunion avec les cadres de son département. Il a en outre annoncé la création officielle d’une instance de l’Ifta (Conseil des jurisconsultes religieux) et d’un Observatoire national de lutte contre l’extrémisme sectaire à la fin de cette année. Ces mesures viennent en réponse à la vague de terreur et d’intimidation menée par des fanatiques salafistes de diverses chapelles wahhabites contre des imams qui n’épousent pas leur interprétation des textes sacrés. Par un harcèlement quotidien, ils cherchent à substituer leur obédience aux rites malékite et soufi, dominants depuis des siècles en Algérie.
Aïssa qui est régulièrement excommunié et traité d’impie par des cercles dogmatiques ultra fermés tient tête et semble déterminé à exorciser les lieux de culte des démons de cette discorde. Nouria Benghabrit se bat, elle aussi, pour protéger le pays en mettant son école à l’abri de fléaux dont les racines plongent, somme toute, dans le même terreau. Ses efforts pour moderniser cette institution et l’arrimer, scientifiquement et culturellement, aux valeurs universelles lui ont valu une des attaques d’une violence inouïe qui ont touché outre sa personne, ses descendants et ses ancêtres. Mais elle tient bon face au front terrifiant qui manoeuvre ardemment dans l’obscurité pour maintenir l’enfance algérienne sous l’influence d’une idéologie et des pratiques non compatibles avec le pays que l’Algérie ambitionne de devenir.
Ainsi, pour déstabiliser et diaboliser cette femme de caractère et de conviction, les détracteurs de la ministre ont brandi la «Basmala» comme un atout politique majeur. Ils n’ont pas hésité également de salir la mémoire de son grand-père qui était, au début du XXe siècle, le premier recteur de la mosquée de Paris.
On ne compte plus les agressions verbales et les insultes qui l’ont ciblée dès les premiers jours de son installation. Ces invectives souvent proférées par des cadres payés pour éduquer les enfants d’Algérie et par des théologiens à la vision du monde particulière renseignent sur la taille des enjeux.
Que faut-il donc déduire de la levée de boucliers contre Nouria Benghabrit et Mohamed Aïssa?
Cela saute aux yeux. Les nouvelles idéologies qui, par la violence si besoin, cherchent à s’enraciner dans les paysages culturel et cultuel algériens sont étrangères aux valeurs ancestrales du pays. Elles obéissent à des agendas politiques qui dépassent de loin le cadre national, mais s’inscrivent dans une logique géopolitique dont on voit les effets dans tout le Monde arabe. C’est d’ailleurs pour cette raison que la société algérienne subit, à travers différents canaux, dont des télévisions satellitaires et des sites Internet, un matraquage confessionnel destiné à la faire douter de ses propres croyances. Musulmans depuis deux millénaires, les Algériens préfèrent aujourd’hui les interprétations de prédicateurs étrangers à la sagesse de leurs ancêtres.
Il n’est donc pas exagéré de dire que les ministres des Affaires religieuses et de l’Education nationale sont, plus que quiconque dans ce pays, sur la ligne de front pour défendre l’identité nationale. L’école et la mosquée sont des lieux de socialisation et d’apprentissage cruciaux qui marquent les génération à très long terme. L’Algérien de demain est déjà en formation sur leurs bancs ou sur leurs tapis et l’enseignement qu’il y reçoit fera de lui un individu obscur ou un esprit éclairé par la lumière du savoir.
En dépit de leurs griefs contre la politique du gouvernement, les citoyens qui lancent régulièrement sur les réseaux sociaux des appels à la solidarité avec Benghabrit et Aïssa font la part des choses. Ils savent que le travail des deux responsables n’est pas conjoncturel, mais détermine l’avenir de leurs enfants, de leur pays qui ne s’émancipera pas s’il ne se débarrasse pas de cette mainmise étrangère.
«Nos jeunes sont immunisés par leurs aïeuls»
«Les jeunes Algériens n’ont pas besoin de passer les frontières pour rechercher une forme de religiosité autre que celle reçue de leurs aïeuls» a déclaré hier Mohamed Aïssa, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs. S’exprimant à l’ouverture du 2ème Séminaire national sur la récitation du Coran organisé à Tébessa, il a en outre affirmé «ce que nous avons hérité de nos aïeux a assuré à l’Algérie son unité et son équilibre et a forcé les autres à nous respecter». En revanche, a-t-il estimé, «des idées intruses ont été à l’origine du terrorisme et du déploiement du discours de la haine». Et pour faire barrage à ces écueils, il a préconisé promouvoir «l’authentique héritage religieux de la société» seul garant pour «protéger le pays contre les mouvements sectaires qui visent à diviser la société et contre lesquels l’Etat est en état de veille constante». En matière de lutte contre les sectes et le prosélytisme, le ministre a annoncé que des textes bientôt seront promulgués pour organiser les affaires des mosquées. Il a en outre mis l’accent sur la formation rappelant que, depuis 2008, le recrutement des imams et des employés de la mosquée est conditionné par un niveau d’instruction adapté.