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Au Jardin d’Essai, des livres désuets reprennent vie

Le Book Exchange en est à sa deuxième édition. Afin de vous en faire part, la rédaction a infiltré les entrailles du Jardin d'Essai, pour se rendre au fameux "Arbre de Tarzan", point de repère et forum des bibliophiles. Reportage

À mesure que l’on s’engage davantage dans la pénombre des bois, l’air et le décor sylvestres se font d’autant plus réconfortants. Nous sommes à El Hamma d’Alger, au Jardin d’Essai, et en cette journée embrasée, ciel et soleil, dignes d’août, surplombent l’étendue verdâtre du jardin botanique.

Tenant tête au soleil et à cette moiteur matinale d’été, ce n’est pas à la plage que l’organisateur de 19 ans, Mustapha Islem Zouaghi, souhaiterait brunir pour ce week-end de la troisième semaine du mois. Non en quête de détente, mais par ardente passion. Son événement d’échange de livres, le Book Exchange, en est à sa deuxième édition, et il n’en peut qu’être encore plus fier.

Entre planification, préparation et mise en place, l’étudiant – pourtant non en filière littéraire mais à l’École Nationale Polytechnique d’Alger – sua à tremper sa chemise. « Contrairement à l’édition de l’an dernier, qui s’est tenue au mois de juillet, l’administration nous a beaucoup facilité les choses pour la réalisation de cette édition, » confie-t-il. « Il n’a fallu qu’un jour pour qu’on me donne l’aval à ma demande, » ajoute-t-il.

Un événement captivant

À l’encontre de son attente, l’événement livresque a su captiver l’attention de nombreux bibliophiles, tous âges confondus, voyant le nombre des participants doubler par rapport à l’édition précédente. Sous les lianes du mythique « Arbre de Tarzan », le flux de lecteurs, majoritairement jeunes, se regroupent aux pieds des dizaines de tables, sur lesquelles bonbons et livres sont à porter de main. Ces tables sont réparties en plusieurs sections : livres en langue arabe, en langue française et en Anglais ; livres pour enfants ; la table du « blind-date » (la seule où tout livre est couvert et où l’on doit en choisir sans aucun critère) ; celle des ateliers ; celle aux indices pour la chasse aux livres. Cette dernière est la plus convoitée : des dizaines de livres sont éparpillés ça et là, dissimulés dans les bois du jardin. Chaque livre détient sa propre piste, au cours de laquelle trois réponses, en guise d’indices, à trois questions sont exigées.

Une autre section, dite « spéciale », est attribuée à quelques quatre écrivains, desquels le plus âgé ne dépasse pas les 22 ans. D’autres tables font l’objet d’ateliers : la première est consacrée à la confection des marque-pages, l’autre à l’écriture pour enfant.

À l’un des uniques événements du « livre pour livre » du pays, tous s’y sont plus. Volontiers, des familles entières y prirent part. « Prenez un livre et lisez-le. Ne le payez pas. Prenez-le, lisez-le, c’est tout ! » encourage l’organisateur.

« C’est une bonne initiative, nous en avons besoin davantage, » opine Karam, un des participants, rappelant en marge que « l’esprit du partage et de l’échange, c’est ce qui nous manque. » Aussi est-il évident pour le jeune homme que les bouquins se font de plus en plus chers en boutique. « Je préfère venir ici, déposer mes livres que j’ai déjà lus, et prendre ceux de quelqu’un d’autre en échange, » plaide-t-il.

Une dévotion interrégionale

Même si, faute de moyens, l’événement n’est faisable qu’à Alger, pour Islem (et il s’en désole), d’autres aspirent à propager le « vice » de lire jusqu’aux confins du pays.

Mossaâb Gharbi, un autre jeune algérien pour qui tout livre est sacré, nous vient de la ville des ponts suspendus. Entendant parler de l’événement en dernière minute, il quitte Constantine d’emblée la veille, il passe le restant de la nuit à la gare routière du Caroubier en y attendant le lever du jour, afin de prendre le chemin d’El Hamma.

« Ceci est un événement qui m’importe beaucoup, » nous confie-t-il d’un air alourdi par un sommeil apparent, toutefois enthousiaste.

Mossaâb est l’initiateur du projet de la « mini-bibliothèque » de Constantine, tenu en mai dernier. Un projet qui a fait alors florès, mais qui a aussitôt eu une désapprobation de la part des autorités municipales de la ville.

Le concept est d’autant plus simple que celui du Book Exchange : une cabine à livres dont le slogan était « prendre un livre et remettre un autre ». En l’espace d’une semaine, la mini-bibliothèque passa de 120 livres à 160.

Pour le jeune constantinois, l’initiative est à renforcer. Son prochain objectif ? Collecter près de 5000 livres « échangeables ». Et ce, pour d’autres mini-bibliothèques dans chaque station de tramway en ville. Les universités et écoles en sont également concernées.

« Je suis venu ici car le livre m’est important, où qu’il soit, » proclame-t-il. « Je veux créer une sorte de confrérie entre le lectorat algerois et constantinois. » Il a en outre tenu à promouvoir son projet et sa page facebook, « Constantine Reads », dans l’espoir de séduire le plus de lecteurs.

Ces jeunes, pour qui le dessein est de « banaliser » la lecture aux quatre coins du pays, militent tous pour une mainmise juvénile sur le pays. Une mainmise tout aussi légitime dans un pays où, est-il essentiel de le rappeler, plus de 70% ne dépasse pas les 30 ans.

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