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Entretien avec le porte-parole de la Fédération éducation Snapap, Nabil Ferguenis: « Valoriser l’école publique, réguler l’enseignement privé »

Le porte-parole de la Fédération éducation Snapap, Nabil Ferguenis, a accordé un entretien au quotidien algérien « Reporters » dans lequel il évoque, entre autres, le problème de l’enseignement dans les pays africain.

Reporters : Vous avez participé aux travaux de la rencontre de Dakar sur la marchandisation de l’éducation dans les pays africains francophones. Pourquoi cette rencontre et le débat qui l’a marquée ?

Nabil Ferguenis :
L’éducation dans tous les pays, et dans les pays africains, en particulier, est synonyme de difficultés et d’enjeux. Les difficultés sont que l’enseignement dans les pays du continuent souffrent de problèmes de qualité et d’incapacité, et le plus souvent, à fournir un enseignement de qualité pour tous. L’école publique dans ce pays manque de moyens matériels et pédagogiques et voit son rendement de plus en plus faible. Le savoir qu’elle offre est de plus en plus désuet par rapport à la demande.
L’enjeu est de maintenir cette école publique à un niveau lui permettant de continuer à donner les fondamentaux de la formation de base aux élites du futur. Elle doit le faire, d’autant que l’enseignement d’une manière générale voit arriver le privé qui se généralise et menace de faire de l’instruction et de l’éducation un produit marchand comme les autres. La rencontre de Dakar a permis de passer en revue toutes ces questions en proposant des recommandations qui toutes convergent vers la préservation de l’école publique, comme vecteur d’égalité face à l’instruction et au savoir, et comme facteur du renforcement du lien national et républicain, dont tous nos Etats et pays ont besoin actuellement pour parachever leur développement.

Comment la rencontre de Dakar peut-elle servir de moyen à empêcher la dévalorisation de l’école publique comme vous semblez le craindre ?
Chaque pays a sa spécificité et les moyens propres pour préserver l’enseignement public. Cela dit, la communauté francophone compte travailler, au profit des organisations nationales, sur des principes directeurs pour la finalisation d’un document plaidoyer en faveur d’une école publique gratuite et de qualité pour tous, parallèlement à une régulation et un encadrement des écoles privées. Ces principes directeurs devraient permettre aux organisations engagées dans ce réseau contre la marchandisation de l’éducation d’engager des consultations nationales dans leur pays pour porter le plaidoyer d’une école publique gratuite et de qualité pour tous.
Dans leurs résolutions, les participants ont retenu de finaliser un texte intégrant toutes les contributions et les renvoyer à toutes les organisations qui ont pris part à la rencontre. Ils veulent de cette manière arriver à valider des principes directeurs s’appuyant sur les droits de l’Homme pour maintenir le plaidoyer et faire en sorte que la régulation des écoles publiques puisse être effective avec l’option d’un système public consolidé.
Début 2018, une consultation en ligne sera ouverte de manière plus large avec en même temps un travail d’expertise sur des aspects plus techniques pour déboucher sur une conférence d’adoption des textes. Toutefois, le travail sur la stratégie de mise en œuvre va commencer avant l’adoption des textes. Le réseau va chercher également à voir comment travailler avec les décideurs, les organismes internationaux pour les influencer afin de leur faire comprendre que l’école n’est pas une marchandise.

On est loin de la réalité algérienne, davantage confrontée à la question de la qualité de l’enseignement…

Certainement, mais il s’agit justement de gagner cette bataille de la qualité pour qu’on ne soit pas confronté à la situation que vivent de nombreux pays africains, où l’enseignement privé est perçu comme la solution. Or, rien n’est plus discutable que de poser la question ainsi. Il faut valoriser l’école publique parce qu’elle est porteuse de vertus telles que l’enseignement et le savoir pour tous et réguler l’école privée pour qu’elle ne devienne pas le modèle dominant, et l’instruction, un simple produit marchand. Sur la question des réformes, il y a des progrès en ce qui concerne notamment les programmes.
Les manuels de deuxième génération destinés aux élèves du cycle primaire (1re et 2e année) se verront enrichis de textes d’auteurs algériens véhiculant le modèle culturel national. C’est très bien mais toujours peu par rapport à notre patrimoine national. La ministre de l’Education semble déterminée à garder le cap dans son processus de réformes qui vise, notamment à éradiquer le fléau de l’aliénation culturelle. Cela constitue indéniablement la pierre angulaire d’une Ecole nouvelle visant à renouer avec les valeurs algériennes et se défaire d’un état de schizophrénie dû à un clonage culturel sur des modèles moyen-orientaux qui ont largement prouvé leur échec.
Recueillis par Meriem Kaci

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