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Hémorragie migratoire des AIgériens: ils partent…

Pourquoi cette hémorragie migratoire ? je suis triste pour mon pays. Ma fille, étudiante en 3e année à l’Ecole nationale polytechnique d’Alger (ENP), me confirme que tous les étudiants de cette école ..

Pourquoi cette hémorragie migratoire ? je suis triste pour mon pays. Ma fille, étudiante en 3e année à l’Ecole nationale polytechnique d’Alger (ENP), me confirme que tous les étudiants de cette école souhaitent quitter le pays. Certains l’ont déjà fait avant même de finir leurs études, d’autres se préparent à partir…»

Ce cri de détresse vient d’une maman qui, à la vue des images, partagées et diffusées dans les médias, de la foule d’étudiants amassés aux alentours de l’Institut français d’Alger dimanche dernier, a jugé utile de poster un commentaire émouvant sur sa page Facebook. Selon un sondage, neuf étudiants sur dix de l’ENP disent vouloir partir à l’étranger.

«Nous avons démarré très tôt ce matin pour arriver à Alger afin que ma fille puisse passer son examen de TCF. Ce test est nécessaire pour la procédure d’études en France. Pour moi, il s’agit d’une priorité. Ma fille doit partir ailleurs, vers des cieux plus cléments, pour qu’elle puisse s’épanouir et réussir dans sa vie. Je ne vous cache pas, je vais investir toutes mes économies pour le bien de ma fille», confie le père de Devda, étudiante en électronique de Béjaïa.

Il n’est certes pas un fait nouveau que des étudiants optent pour des études à l’étranger afin de peaufiner leur cursus. Seulement le nombre impressionnant et l’engouement «massif du public», pour reprendre les termes du communiqué de l’ambassade de France à Alger, interpellent plus d’un. Qu’est-ce qui pousse nos étudiants à partir ? S’agit-il réellement d’une question d’études ou les raisons sont à chercher ailleurs ?

Vie étudiante

«Je veux vivre mon époque, loin des contraintes, des préjugés, de la pression sociale, de la misère. Est-ce un tort de le vouloir ? Non. S’agit-il d’une fuite ? Non», assure d’emblée Mourad, étudiant à Polytech d’Alger, rencontré ce dimanche devant l’Institut français d’Alger (IFA). Et à Asma, sa camarade, d’expliquer son propos.

«Nous voulons vivre dans un environnement sain qui permet de meilleurs conditions d’acquisition du savoir ; dans un environnement où l’étudiant n’est pas réduit à faire la queue chaque matin devant le cous, devant les réfectoires ; dans un environnement où l’étudiant a une vie après les cours. Ici, il n’y a ni club étudiant, ni salles de cinéma ni lieux de culture et encore moins pour le loisir. En gros, il n’y a pas de vie», résume-t-elle.

Ces dernières années, les étudiantes ne cessent de dénoncer un climat fait d’intolérance et de harcèlement au quotidien que cela soit dans les rues ou bien dans nos universités. «Le harcèlement est devenu un fait banal dans la société. Mais que nous subissions cela dans l’université et que ces actes ignobles émanent des professeurs eux-mêmes, cela devient insupportable», dénonce-t-elle.

Et dans les cités universitaires, la situation des filles est intenable surtout avec la vague de conservatisme qui submerge et rétrécit de plus en plus le champ des libertés individuelles. Pour Abderrahmane, la vie dans les campus «est morose et sans aucun intérêt. Notre quotidien se résume à faire la queue devant le resto U et devant le Cous. Nos aînés profitaient au moins des galas organisés les week-ends dans les cités U ou les campus, aujourd’hui rien de tout cela n’existe», assure-t-il.

Népotisme

«Les plus méritants sont toujours les derniers, les fils des responsables sont propulsés en haut du tableau et accèdent à la post-graduation sans concours ni efforts. Après cela, on vient nous chanter les histoires de patriotisme et de nationalisme !» s’offusque Mohamed, étudiant en informatique à l’université de Bab Ezzouar, qui dit vouloir quitter le pays à tout prix. «J’étudie et travaille en même temps. J’amasse de l’argent pour pouvoir obtenir mon visa d’études, je ne pense qu’à cela, matin et soir, car ici il n’y a rien de bon à attendre.»

Rien que cette semaine, les universités du pays ont été secouées par des scandales liés aux concours de doctorats, où des fils de hauts responsables et de députés se retrouvent en tête des listes malgré le fait que leurs notes ne leur y ouvrent pas droit. «Pour réussir, il faut soit être épaulé par un puissant du régime ou bien s’inscrire dans ces organisations estudiantines à la solde du pouvoir. Ceux, comme moi, qui ne s’inscrivent pas dans ce système obscène, choisissent une autre voie, celle de partir», affirme-t-il.

Conflit générationnel

En dehors de l’université, les étudiants abordent d’autres problèmes en rapport avec la situation politique et socioéconomique du pays «Nous sommes dirigés par un personnel politique vieillissant, d’une autre époque, qui n’arrive pas à s’intégrer dans le monde réel, dans le monde d’aujourd’hui, qui veut nous imposer sa vision rétrograde, l’enfermement sur soi, nourrir une haine pour les autres et voire la main de l’étranger partout et justifier avec ses échecs. Nous en avons ras-le-bol de cette situation qui perdure et s’éternise, je suis jeune, je veux vivre loin de tout cela», se révolte un étudiant de Blida.

Pourtant nos politiques, à leur tête le chef de l’Etat, ne cessent de promettre de «passer le flambeau à la nouvelle génération», un discours qui a suscité à un moment de l’espoir avant d’être rattrapé par la réalité, «comme d’autres, j’avais cru à cette histoire, mais depuis 2014, j’ai compris qu’il n’y a plus d’avenir pour les jeunes dans mon pays, il est plutôt radieux pour les vieux qui nous gouvernent», s’offusque de son côté un autre étudiant.

Chômage des diplômés

Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur est évalué à 17,7% en septembre 2016, selon les statistiques officielles, il est situé à plus 30%, selon les économistes indépendants. Ce taux n’augure rien de clément pour les étudiants. «Je ne veux pas finir ma vie à quémander ou à vendre des cacahuètes sur les trottoirs.

Vous savez pertinemment que pour pourvoir un poste de travail, il vous faut des connaissances, sans cela, vous êtes réduits à la précarité, à des salaires qui ne répondent à aucune logique», explique Salim étudiant de Médéa et boucher dans un abattoir de sa ville. «Je suis obligé de travailler, d’abord pour subvenir à mes besoins, ensuite pour amasser la somme nécessaire pour ma demande de visa d’études», confie-t-il. Et dans son cas, ils sont nombreux à travailler parallèlement à leurs études dans la perspective d’obtenir un visa d’études et partir.

«Je ne crois pas aux promesses de nos responsables, ni au semblant d’espoir qu’ils nous promettent, vous connaissez la réalité, des oligarques qui se sont accaparés les richesses du pays, une économie improductive, il n’y a ni usine pour travailler ni aucune perspective, nous vivons dans l’expectative, dans l’espoir que le prix du pétrole remonte un jour pour le dilapider encore et nous vendre des illusions», s’insurge-t-il. Un avis partagé par son ami qui l’a accompagné ce dimanche à l’IFA.

«J’ai tenté à plusieurs reprises d’obtenir un crédit Ansej pour lancer ma boîte, en vain. Figurez-vous, j’ai dû louer mon diplôme à quelqu’un pour 300 000 DA, qui lui, grâce à ses connaissances a pu décrocher un crédit et lancé un business qui lui rapporte gros, il a accès à des marchés publics auxquels nous autres nous n’avons pas droit», confie-t-il. Pour lui cette somme servira à financer son départ à l’étranger. «Je sais que la vie n’est pas si rose que cela en Europe, mais je sais une chose, ma dignité sera préservée et si je bosse dur, je suis condamné à réussir», conclut-il.

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