Mise à profit de la recherche génétique
L’apport de la recherche scientifique, notamment la génétique, devenu tellement indissociable de la politique agricole, a favorisé l’implication de l’université à bon escient. Après le réseau filière ..
L’apport de la recherche scientifique, notamment la génétique, devenu tellement indissociable de la politique agricole, a favorisé l’implication de l’université à bon escient. Après le réseau filière blé dur, qui a mobilisé cinq laboratoires et des dizaines de chercheurs de l’université Mentouri de Constantine, «l’initiative blé», lancée il y a quelques semaines, a aussi mobilisé des chercheurs, dont ceux spécialisés dans les semences
. Lors d’un workshop, tenu récemment à Constantine, Pr Hemanna Bouzerzour, du laboratoire génétique biochimie et biotechnologie végétale de l’université de Sétif, est intervenu pour dévoiler les avancées et les échecs des recherches en matière d’amélioration des semences et de la tolérance au stress hydrique. En préambule, il est revenu sur la courbe de la céréaliculture sur une période allant du 19e au 21e siècles. Résultats : pour presque la même superficie, un peu plus de 3 millions d’hectares, le rendement a connu un bond significatif. La production annuelle, qui était de 4000 quintaux en 1860, est passée entre 9 et 20 millions de quintaux en 2012.
L’amélioration des variétés locales, à l’image d’«El Beliouni», ou encore «Mohamed El Bachir», y a été déterminante, selon cet expert, qui soulèvera toutefois une entrave de taille, celle de l’utilisation des paramètres qui n’est pas respectée par l’agriculture. Et d’exprimer sa conviction profonde concernant l’apport de ce dernier dans l’amélioration des rendements : «L’amélioration de la productivité doit venir de l’agriculteur s’il observe scrupuleusement et dans les temps les procédés de désherbage, emblavage, surveillance de l’évolution de la plante et la longueur de la tige… même le nombre de grains par m², ce que l’agriculteur ne comptabilise jamais, est très important à savoir et maîtriser.»
Le workshop en question est assimilé à une formation technique. Il est mis en place une plateforme avec des méthodes de démonstration, concernant, à titre d’exemple, l’utilisation des intrants. Dans cette optique, qui mieux qu’un agriculteur pour convaincre les autres agriculteurs dans le choix des semences ? A ce propos, les recherches en la matière ont connu une amélioration tangible et leur sélection est devenue une spécialité dans plusieurs universités nationales. «Actuellement, on utilise les variétés de croisement avec celles locales, appelées communément ‘‘variétés populations’’. El Beliouni est le parent d’une variété très utilisée. Les variétés locales développées par des généticiens algériens, ont démontré leurs capacités et limites.
Ce n’est qu’une chaîne de la production : il y a la protection, l’eau aussi est un paramètre de cette chaîne, mais aussi une limite qui impacte le rendement, sachant qu’il n’est pas possible d’augmenter la surface de culture.», a détaillé Farouk Hadj Hammiche, représentant en Algérie du leader international de l’agriculture business, Syngenta, organisatrice du workshop et qui a en charge l’application de la feuille de route l’«Initiative céréale», un projet qui s’étalera de 2017 à 2020 et qui réside dans un accord de partenariat signé entre l’entreprise nationale Profert, spécialisée dans la fourniture d’intrants à l’agriculture, et Syngenta.
«Cet accord consiste à mettre en place un projet visant l’augmentation des rendements de céréales de 30 %. Il réunit les meilleurs agriculteurs, leur propose un itinéraire technique, les forme sur cet itinéraire et contrôle l’application de ce dernier. Nous sommes confiants que la mise en place de ce procédé peut garantir un rendement minimum, même en années de sécheresse», a précisé à El Watan, le directeur de Profert, Ali Meziani. Cette nouvelle étape est expliquée aux agriculteurs par le biais de ce workshop, réunissant 80 d’entre eux issus des différentes régions du pays, «les meilleurs dans leur domaine», semble-t-il.
RENDEMENTS MOYENS
Dans une conjoncture où la production céréalière en Algérie connaît des fluctuations permanentes avec des rendements moyens ne répondant ni aux espérances des agricultures, loin de réaliser un retour sur investissement, ni à celles des pouvoirs publics visant la réduction de la facture des importations, la multiplication des procédés et des innovations est perçue parmi les solutions les plus prometteuses. «De par nos expériences dans le monde, nous partageons notre savoir-faire et apportons notre assistance technique aux céréaliers pour les aider à augmenter leurs rendements à travers une approche intégrée appelée ‘‘l’Initiative céréale’’, qui associe un matériel génétique performant et adapté aux exigences locales, un bon itinéraire technique et une bonne couverture phytosanitaire», nous a précisé Farouk Hadj Hammiche, lors de cet atelier animé par des groupes de réflexion autour de plusieurs thèmes liés à la production des céréales, notamment la fertilisation, la protection phytosanitaire et le matériel génétique de base.
En amont, le même organisme a procédé à l’établissement d’une étude autour de l’évolution du secteur en Algérie, présentée par sa directrice technique. Pour Sihem Walid, il est indéniable, chiffres à l’appui, que les investissements des agriculteurs enregistrent un recul, ainsi que la chute de leurs revenus et la réduction des surfaces emblavées. Sur la base des résultats de ladite étude, il ressort qu’en 1998, 6 quintaux de semences produisaient en moyenne 9 quintaux de blé. En 2017, 16 quintaux ont donné 18 quintaux de blé. Par une simple opération arithmétique, il en est déduit que «Cela constitue une perte pour les agriculteurs».
LA TOLÉRANCE AU STRESS HYDRIQUE
L’un des objectifs de la politique agricole adoptée par l’Etat pour réduire la facture de l’importation du blé est celui d’atteindre un rendement de 30 % à l’horizon 2020.Or, bon nombre d’experts émettent des réserves quant à l’accomplissement de cet objectif dans les délais qui lui sont impartis. L’autosuffisance, à la lumière des données en la matière, serait impossible à atteindre dans les trois prochaines années en raison de certains impératifs qui viennent enrayer les procédés techniques. La sélection des semences a été faite pour booster le rendement uniquement et pas pour assurer la qualité de la production.
Ces techniques sont bien maîtrisées par les généticiens, sauf que la variété améliorée pose problème dans le cas du stress hydrique. Selon Pr Bouzerzour, la semence locale, qui assure un rendement de 18 quintaux/ ha, aura quand même un rendement par temps de calamités. A contrario, celle améliorée donnera dans les mêmes conditions 0 quintal. Et c’est à ce niveau que la bataille pour la tolérance au stress hydrique s’avère difficile à remporter.
Un échec momentané pour Pr Bouzarzour, qui reste confiant quant à ses travaux de recherche: «Nous travaillons sur des croisements de lignées de semences qui soient réceptives à la tolérance au stress hydrique. Les combinaisons pour les rendements existent, mais pas pour la tolérance, on a fait beaucoup de recherches, dont celles sur la chlorophylle, les résultats ne sont pas encore là.» Les mécanismes de la tolérance semblent échapper pour l’heure à la communauté des chercheurs. «Longtemps, la politique agricole était focalisée sur le rendement, sans prendre en compte les gènes de la tolérance dans la recherche. Nous sommes dans une période de tâtonnements, où nous expérimentons différentes approches», reconnaît notre interlocuteur.