Des écoles, des budgets et des rêves
Un monde fou jeudi dernier au Théâtre régional de Béjaïa, où la caravane du Salon de l’étudiant, a posé ses bagages avant d’aller à Alger et Tlemcen.
Les deux halls du théâtre ont été pris d’assaut par des centaines d’étudiantes et d’étudiants de l’université de Béjaïa, et pour cause ! Le Salon a réuni, dans une quinzaine de stands, l’essentiel des propositions de formation dans différents pays du monde.
Une occasion inespérée pour des étudiants qui ont engagé des «démarches» en passant par Campus France. Mais de nouvelles destinations se dessinent loin de la voie française, à travers des offres d’études ou d’émigration aux USA ou en Russie, en passant par le Canada, Dubaï, la Malaisie, l’Ukraine, Chypre, le Royaume-Uni… Prospection.
L’université australienne de Wollongong, ouverte à Dubaï, ne compte que deux étudiants algériens inscrits en septembre dernier, selon Toufik Belmamoun, manager associé, chargé du recrutement des étudiants. «Les Marocains y sont par contre nombreux», nous apprend-il. Pour intéresser les Algériens, un argument est mis en avant : la loi autorise l’étudiant étranger à travailler, ce qui ne lui est pas possible en Australie, par exemple.
Les frais de scolarité sont de 4000 euros par semestre, soit l’équivalent, au taux officiel du dinar algérien, de plus de 53 millions de centimes par semestre (80 millions au taux du marché parallèle). C’est le prix à payer pour intégrer ce campus australien de Dubaï, qui compte près de 4000 étudiants de 105 nationalités. Pour y être admis, un test de langue en anglais est nécessaire. Les programmes s’étalent sur 19 semaines d’études réparties en trois «semestres», dont les mois de juin à août. Les études se déroulent presque en temps continu. C’est dire que le campus ne ferme pratiquement pas. C’est un gage de réussite, qui a fait que l’université de
Dubaï est visible dans les classements mondiaux. Un exemple à suivre.
Dans certaines écoles en France, le cursus de master 2 coûte 9000 euros, soit 120 millions de centimes algériens. FIGS, (France International Graduate Schools), un service international français d’orientation et d’accompagnement, travaille avec une quarantaine d’écoles françaises privées qui, pour la majorité, proposent des cursus professionnels. Le passage par Campus France restant inévitable pour l’étudiant algérien, la démarche pré-consulaire de FIGS assure que l’entretien auquel est soumis l’étudiant n’est pas refait par Campus France.
Le postulant débourse 80 euros pour la gestion du dossier et, à son admission à l’école choisie, s’acquitte des frais d’inscription. «C’est un acompte», précise Arnaud Merri, manager à FIGS, suggérant que l’acompte est remboursable en cas de retrait. Depuis ses deux ans d’activité, cet organisme a placé une quinzaine d’étudiants dans son réseau d’écoles françaises, dont certaines imposent des mises à niveau.
Sur le chemin du Canada
Les organismes qui proposent leurs services pour guider les étudiants sont nombreux. L’importante demande a rendu le créneau attrayant. Celui créé il y a une année à Tizi Ouzou recrute pour une cinquantaine d’écoles françaises privées. «Nous essayons d’éviter les universités accordant des diplômes non reconnus», nous affirme Mahfoud Sitayeb, le fondateur de cette boîte, qui a placé une centaine de candidats en France et une vingtaine au Canada, contre une commission de près de 20 000 DA.
Le Canada aurait un besoin de 200 000 étudiants étrangers. Certains spécialistes parlent de 2000 étudiants algériens à recruter pour des formations qui coûtent entre 17 000 et 38 000 dollars canadiens. La destination Canada est en progression depuis les 600 visas d’études délivrés en 2014. «Tout est payant», nous dit un représentant algérien accrédité par plus de dix établissements d’enseignement canadien à l’international. Parmi les partants se trouvent de nombreuses étudiantes algériennes. «C’est une fille sur trois étudiants», assure notre interlocuteur.
L’offre est aussi destinée aux lycéens qui voudraient se préparer au baccalauréat sous les cieux, surtout, du Royaume-Uni et des Etats-Unis. C’est ce que propose Education First (EF), un organisme international de formation privé, dont la prestation s’articule sur les deux paliers du collège et du lycée et inclut des séjours linguistiques, avec possibilité aussi de placement dans 150 universités de par le monde. Quelque 2000 Algériens ont été pris en charge ces cinq dernières années par EF, qui compte ses écoles et ses résidences. Le chiffre nous est fourni par Sonia Maidi, agent-manager à EF Algérie. Et l’essentiel de ce flux va vers l’Angleterre et les USA, parmi les 46 destinations proposées, ce qui illustre l’intérêt accordé pour le monde anglo-saxon.
Obligation du retour
L’étudiant algérien tend à la maîtrise de la langue anglaise et certains sont parfaitement bilingues, voire trilingues. «Leur niveau d’anglais est élevé», considère Leah Boyer, l’attachée adjointe aux affaires éducatives et culturelles à l’ambassade américaine à Alger. Selon elle, 200 Algériens étudient actuellement aux Etats-Unis. Le nombre n’est pas important si l’on sait que quelque deux millions d’étudiants étrangers se trouvent aux USA.
L’ambassade voudrait convaincre plus d’Algériens qu’il n’est possible d’étudier dans le pays de l’Oncle Sam. En revanche, la dernière attribution de la bourse d’études Fulbright n’a profité qu’à six étudiants algériens. Destinée aux formations en post-graduation, cette bourse est dédiée à toutes les filières, à l’exception de la médecine.
Nos médecins sont en tout cas plus orientés vers la France, où 10 000 y exercent, selon des chiffres présentés dernièrement dans un colloque à l’université de Béjaïa.
L’étudiant algérien bénéficiaire d’une bourse américaine est tenu de regagner son pays à la fin de son cursus. L’obligation de revenir est de mise même dans les autres programmes de bourses. «Nous nous assurons que l’étudiant revienne», nous dit une représentante d’un organisme de placement d’étudiants à l’étranger. Dans la réalité, beaucoup s’arrangent pour prolonger indéfiniment leur séjour, succombant à une envie d’émigrer qui naît dans le sillage d’un visa d’études.
C’est la même volonté qui anime les nombreux jeunes qui prennent part à la loterie américaine, dont celle de cette année reste ouverte jusqu’au 22 novembre prochain, après que le site, qui était impossible d’accès, a été récemment débloqué.
Le Salon de l’étudiant n’a fait place qu’à une seule école algérienne, l’Ecole supérieure algérienne des affaires (ESAA), située aux Pins Maritimes. Créée en 2004 avec un partenariat algéro-français, cette école propose des formations payantes de 450 000 DA par an, soit 3350 euros, l’offre est plus chère que la formation de médecine générale en Russie et moins chère que celle d’une année d’études à l’université australienne de Dubaï.
«Chez nous, l’étudiant sort avec deux masters, puisqu’il a aussi le master français», nous répond la représentante de cette école qui travaille en partenariat avec des universités de Lille. En comptant moins de 600 étudiants, l’ESAA ne connaît pas l’encombrement de l’université publique. «Nos diplômés sont de suite recrutés», soutient notre interlocutrice. Selon Khir Faïza, responsable des stages, projets associatifs et conférences, l’ESAA a formé plus de 2000 diplômés. Mais, jeudi dernier au Salon, on ne s’est pas bousculés à son stand. On n’avait d’yeux que pour l’étranger.